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5 octobre, 2011

Entretien avec Georges Leekens #4: Tout savoir sur la sélection des diables rouges

Georges Leekens

© belga (retouche photo Antonin Kaminski)

Globalement, comment se déroule une sélection ?

Le staff de scouting se déplace dans tous les championnats où des Belges évoluent. Nous allons même en Russie, et nous allons accentuer notre présence là-bas puisque Jonathan Legear y évolue désormais. Les scouts me remettent leurs rapports d’analyse, suite à quoi je fais une présélection de 50, voire 60 joueurs. La liste est ensuite écrémée à une vingtaine, en tenant compte des blessés d’une part, et de l’autre, de ceux qui ne jouent pas dans leur club. Prenons l’exemple de Defour, je ne l’ai pas sélectionné lors des dernières rencontres, pour la seule raison qu’il n’a pas suivi de préparation. A un tel niveau, je ne sélectionne aucun joueur sur base de son seul nom. Il m’arrive aussi de sélectionner des joueurs qui ne sont pas mes premiers choix, c’est le boulot d’un entraîneur de mettre ses opinions personnelles de côté pour penser au collectif.

 

Parlant de Defour, est-il complémentaire avec un Simons

Steven n’a pas été épargné par les blessures la saison dernière. Depuis son transfert à Porto, il tend à retrouver sa meilleure forme. C’est à lui de se montrer, et prouver qu’il peut regagner sa place dans l’entrejeu des diables. Pour ce qui est d’une complémentarité avec Simons, oui, pourquoi pas ? Ils étaient tous les deux sur le terrain en Russie. Et j’étais très content d’eux car nous avions fantastiquement dominé l’entrejeu.

La victoire était d’autant plus belle après un déplacement aussi folklorique !

C’était un trajet digne de Survivor ! Nous avions organisé ce match suite au départ de Dick Advocaat à Moscou. C’était très intéressant, sportivement mais aussi financièrement. Tout allait se dérouler sous les meilleurs auspices… avant ce voyage de merde ! Pas boire, pas manger, pas dormir … et surtout, un vol risqué en Tupolev, mais cela nous l’ignorions avant de quitter Bruxelles. A l’avenir nous ne prendrons plus de tels risques. Cela dit, pour la cohésion de l’équipe, ce n’était pas une mauvaise chose… mais une telle préparation, une fois par an, voire tous les dix ans, cela suffit amplement ! Le fait d’avoir ensuite gagné le match a renforcé notre esprit d’équipe. Ce fut une belle victoire, mais les Russes n’ont certainement pas joué à leur meilleur niveau. Le Zenit St Petersbourg venait de gagner le championnat, certains devaient avoir fait la fête.

 

Vous parlez beaucoup de la cohésion entre les joueurs, et de l’importance de la concurrence au sein du noyau. Mais y a-t-il un joueur non belge que vous incorporeriez dans le noyau, si vous le pouviez ?

Si Lionel Messi veut se faire naturaliser, je l’accueille bien volontiers (rires). Plus sérieusement, si un tel joueur se présente avec l’envie de jouer pour nous, je serais fou de ne pas le sélectionner. Mais j’attends d’un joueur naturalisé qu’il vienne avec le cœur. Ceux qui bénéficient d’une double nationalité ne devraient pas venir s’ils hésitent trop longtemps. Ca va bien au-delà des modalités juridiques ; c’est comme tirer un penalty : si tu hésites, alors ne le fais pas … et je ne dis pas ça parce que Witsel a raté le sien contre la Turquie (rires). Je laisse la porte ouverte à quiconque veut jouer pour la Belgique, pour autant qu’il apporte sa pierre à l’édifice. Chadli et Carcela avaient tous deux la possibilité de jouer pour nous, seul le premier est venu, et il ne faut pas en vouloir au second. Vincent Kompany et Marouane Fellaini, eux aussi, auraient très bien pu ne pas choisir la Belgique.

 

Mémé Tchité, aurait-il toujours sa place dans le noyau au vu du choix dont vous disposez aux avant-postes ?

Tchité a toujours dit qu’il voulait jouer pour la Belgique, son amour pour le pays transparaît dans chacune de ses déclarations. A l’Union Belge, nous attendons les suites juridiques de son dossier, que la FIFA n’a pas encore débloqué. Si un jour, Mémé devient sélectionnable, alors nous serons attentifs à ses performances, comme pour tout autre joueur. Mais tant que tout n’est pas réglé, nous ne nous exprimons pas sur le sujet.

 

Contre l’Azerbaïdjan, aucun joueur belge présent au coup d’envoi n’évoluait en Jupiler League. Comment l’expliquez-vous ?

Les raisons sont avant tout financières, notre championnat dispose de peu de moyens, et n’est plus capable de garder ses meilleurs éléments. Si la majorité des diables évoluent à l’étranger, il est alors important qu’ils aient cette envie de revenir jouer pour leur pays. Je suis ravi que cela soit le cas, d’autant que beaucoup ont un programme très chargé. Au niveau du staff national, cela implique un nombre important de voyages à l’étranger ; c’est la mission de département de scouting. Mais nous regardons aussi des matchs entiers ici, via un système de retransmission.

Il est satisfaisant de voir que nos joueurs évoluent dans de très bons clubs. Ils y arrivent parfois dès le plus jeune âge ; beaucoup de clubs hollandais prennent aujourd’hui de jeunes belges, sans doute pour atteindre un meilleur niveau (rires). Globalement, ils s’adaptent très bien, le plus bel exemple étant Dries Mertens, que nous ne connaissions pas en Belgique, et que le scouting nous a permis de dénicher. Que ce soit Kompany, Hazard, Fellaini, Dembele, Chadli… tous jouent dans leur club. C’est une satisfaction, d’autant plus qu’ils se trouvent dans de grosses compétitions. Pareillement, nous nous réjouissons que Genk joue la Champion’s League, même si je ne crois pas qu’ils la gagneront… A un tel niveau, l’expérience acquise est inestimable. Et avec les rentrées financières, le club ne devra pas vendre ses meilleurs éléments. A contrario, c’est une des raisons pour lesquelles Anderlecht a vendu Lukaku cet été.

 

Vous venez de citer plusieurs noms de Diables. Parlons de Radja Nainggolan. Titulaire à Cagliari, beaucoup d’entraîneurs, comme Roberto Mancini, en ont dit le plus grand bien. Mais il reste absent de votre sélection.

Pour sa position, Timmy Simons est actuellement titulaire indiscutable, et malheureusement pour Radja, Timmy abat un boulot formidable. Que ce soit sur le terrain, où il aligne les kilomètres, mais également dans le vestiaire. C’est un des rares joueurs du noyau à avoir plus de 23 ans … il a donc un rôle de guide pour les plus jeunes. La place de Timmy au sein du noyau est cruciale, j’avais besoin d’un type comme lui et c’est pour ça que je l’ai rappelé, comme j’avais rappelé Franky Van der Elst en 1997. Mais nous pensons aussi à demain. D’autres joueurs rentrent en ligne de compte, Nainggolan en fait partie, comme Dedrick Boyata, qui joue à présent à Bolton. Il a fait un pas en arrière, pour peut-être en faire bientôt deux en avant. Le championnat belge compte également de bons jeunes, les équipes du top, et d’autres, misent beaucoup sur la jeunesse, ce qui est positif. Il n’y a pas si longtemps, nous avions un problème de gardien. Aujourd’hui nous avons un surplus avec Mignolet, Courtois, Gilet et Proto.

 

A ce propos, gardez-vous un œil sur Logan Bailly ?

Tout à fait. On ne laisse jamais tomber un joueur. En ce moment, Logan est un peu dans le trou, mais nous le suivons, afin de voir comment il réagit à sa situation. A lui de travailler pour retrouver son meilleur niveau.

 

Pour en revenir à Nainggolan, la presse prétend que vous ne le suivez pas…

D’abord, vous ne devez pas croire tout ce qui est écrit dans les journaux (rires). Une analyse de joueur ne se fait pas sur un seul match. Avant de sélectionner Dries Mertens, nous l’avons suivi durant une bonne année. Parallèlement, nous avons suivi Nainggolan de nombreuses fois, et nous évaluons régulièrement sa progression. Les journalistes qui prétendent le contraire n’ont qu’à me passer un coup de fil, je leur répondrai bien volontiers. Nainggolan a peut-être dit que nous l’avions oublié… je n’ai pas à réagir sur le sujet, si je devais répondre à chaque fois, je n’aurais jamais fini. En attendant, j’étais moi-même présent en tribune à Milan pour le voir à l’œuvre. Et Vince Briganti le suit chaque semaine en Serie A, lui et Jean-François Gillet.

 

Les joueurs savent-ils que vous les suivez ?

Non, je préfère éviter qu’ils l’apprennent. Lorsque j’entraînais en club, et qu’un coach national était en tribune, je remarquais une certaine nervosité parmi mes joueurs. Ils avaient aussi tendance à jouer plus individuellement. Le fait de se savoir observé est une mauvaise motivation. Cela même si un grand footballeur devrait toujours jouer son match pour l’équipe, quel que soit le contexte.

 

Au sein de l’actuelle équipe des espoirs, y a-t-il l’un ou l’autre joueur qui soit proche du noyau A ?

L’équipe A regroupe déjà beaucoup d’espoirs. Des joueurs comme Lukaku, Hazard, De Bruyne, El Ghanassi, pourraient très bien jouer avec les moins de 21 ans. D’autres y ont fait leurs classes, comme Lombaerts ou Dembele. Cette équipe constitue un palier pour cette génération. Jean-François de Sart a fait un excellent boulot ces dernières années, notamment aux jeux de Pékin. Par contre, notre principe est qu’une fois qu’un diable rejoint le niveau des A, nous ne le redescendons pas en équipe espoirs.

 

Voilà qui termine notre entretien exclusif avec Georges Leekens, Toute l’équipe de Belgian-Team espère vous proposer d’autres interviews de joueurs et de l’encadrement des diables rouges.

A très bientôt!

 

Antonin, pour Belgian-team

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