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28 septembre, 2011

Entretien avec Georges Leekens #3: Le coaching des diables rouges

Georges Leekens

© Johan Eyckens

Troisième partie de notre interview:

Georges Leekens, vous avez entraîné la Belgique une première fois, de 1997 à 1999. Pensez-vous avoir progressé en tant qu’entraîneur, entre votre premier et votre second mandat à l’Union Belge ?

Cela n’aurait pas été bon de stagner. Raymond Goethals m’a dit un jour : un entraîneur commence seulement à comprendre le football à l’approche de la septantaine. Pour ma part, je n’ai pas changé du tout au tout durant cette période, mais je suis devenu un autre entraîneur. Changer, c’est avant tout grandir, apprendre à s’adapter à l’équipe que l’on entraîne, la mener vers le succès sans pour autant la diriger d’une main de fer.

 

Les choses ont-elles beaucoup changé entre vos deux mandats ?

J’ai aujourd’hui un rôle moins dominant que lors de mon premier mandat, et j’y trouve mon compte. Je préfère avoir des adjoints à mes côtés, plutôt qu’en dessous de moi. L’encadrement de l’équipe s’est également beaucoup professionnalisé depuis quinze ans.

 

Votre tâche est-elle plus difficile jadis ou aujourd’hui ?

En principe, mon premier mandat était plus facile. Je devais simplement préparer l’Euro 2000, pour lequel nous étions qualifiés d’office, en tant que pays organisateur. Je ne devais pas mener l’équipe vers la Coupe du Monde française, mais c’est arrivé… par hasard (rires). Plus sérieusement, cette qualification tenait du miracle. Mais nos adversaires d’alors s’étaient battus eux-mêmes. L’équipe turque ne manquait pas d’amour-propre, ce qui ne avait permis de les vaincre chez eux 1-3. Hélas, j’ai ensuite connu le revers de la médaille. Le pays croyait que l’on pouvait directement obtenir des résultats, peu importait la manière. Mais les miracles ne durent pas… et trois matchs nuls en coupe du monde, ce ne fut pas assez.

Je suis parti après deux ans et demi. Mon successeur, Robert Waseige, a connu un démarrage aux antipodes du mien. Tout d’abord, la Belgique est passée à côté de son Euro 2000. Par après, Robert a méritoirement qualifié l’équipe pour la coupe du monde 2002. Nous aurions même pu y battre le Brésil en huitièmes de finale. Mais je n’aime pas parler du passé. L’avenir du football belge est le plus important ! Un coach qui parle trop du passé est un coach dépassé.

 

 

Entre vos  deux mandats, avez-vous gardé un œil sur les diables ?

J’ai toujours été le premier supporter des diables. Je les ai suivis en coupe du monde, en Italie et aux Etats-Unis. Je pense que le peuple belge, et les médias, ne sont pas assez chauvins. Nous devrions l’être davantage, à l’image des Hollandais. Il y a des pour et des contre, mais j’estime que le chauvinisme est une qualité. Il y a des Flamands qui suivent les Pays-Bas, et des Wallons qui supportent les Français. Moi je suis Belge, avec toutes mes excuses. Nous pouvons être fiers de notre pays. Bon, nous avons du mal à former un gouvernement (rires), mais nous avons beaucoup de représentants au plus haut niveau, et ce même en dehors de tout aspect sportif.


Comment définiriez-vous votre style de coaching ?

Je suis un entraîneur qui prône le positivisme. Casser un jeune joueur parce qu’il a fait une erreur ? Je laisse ça aux mauvais coachs. En exigeant trop d’un joueur, on lui met la pression. Cela peut faire peur aux plus jeunes. Personnellement, j’insiste auprès de mes joueurs sur leurs qualités, ainsi je leur donne confiance, et l’abnégation nécessaire pour effacer leurs défauts. J’estime que c’est la meilleure façon de tirer le maximum de mon équipe. Je crois en mes jeunes joueurs, mais ceux-ci doivent bien avoir en tête qu’on ne reste pas éternellement jeune. Prendre de l’âge, c’est grandir, et accepter de prendre plus de responsabilité.

 

Avez-vous un modèle parmi les entraîneurs contemporains ?

Non. J’essaye d’être moi-même, c’est-à-dire un coach qui travaille les qualités de ses joueurs.

 

En quoi consiste votre rôle actuel au sein de l’équipe nationale ?

A court terme, je dois former une équipe, dotée d’une âme, et au sein de laquelle règne une ambiance positive. Dans cette équipe, les joueurs doivent avoir confiance en eux, et aussi entre eux. Ils doivent être fiers de représenter leur pays. L’esprit d’équipe est très important. La concurrence au sein du noyau l’est également ; concurrence rime avec progrès de chacun, et j’aspire à devoir faire des choix difficiles. Je laisse la porte ouverte pour les jeunes. Il est important de donner sa chance à un joueur qui se montre pendant un mois, deux mois. Et en sélectionnant de nouveaux joueurs, je créé la concurrence au sein du noyau. A un tel niveau, tous les joueurs doivent accepter la concurrence ; il en va de même dans leur club. Actuellement, l’équipe possède un très bon esprit, et c’est mon rôle de veiller à ce que cette ambiance ne soit pas gâchée par des détails extérieurs. Il peut bien sûr y avoir des accroches, des réactions émotionnelles, au sein d’un groupe de 30 joueurs, mais cela ne doit pas avoir de répercussion sur le terrain.

Ensuite, je m’atèle à ramener la confiance auprès des supporters. Eviter les sifflets après 20 minutes de jeu, comme ce fut jadis le cas. Car siffler son équipe ne la fait pas avancer, que du contraire. Renouveler la confiance du public, c’est aussi attirer un public plus jeune, le plus à même à mettre l’ambiance dans le stade. Je dis souvent qu’au-delà de 50 ans, un supporter passe plus de temps à rouspéter (rires). Je sais de quoi je parle, vu que j’ai 62 ans (rires). Plus sérieusement, avec du négatif, je ne peux rien faire. Vincent Kompany l’a parfaitement souligné au sortir du match contre les Etats-Unis : ceux qui critiquent peuvent rester à la maison ! Certains journalistes n’ont pas apprécié son franc-parler, mais moi j’étais très fier d’entendre un de mes joueurs parler de la sorte. Un public positif créé des joueurs positifs, qui sont motivés pour revenir jouer pour leur pays. C’est une spirale, car c’est en se montrant enthousiaste, et en affichant de la conviction, que le public appréciera davantage de venir au stade.

La préparation de l’équipe va jusqu’à sélectionner de bons adversaires lors des rencontres amicales. La Slovénie, les USA, sont des équipes à notre niveau. J’effectue également des missions de scouting. Lors de la dernière coupe du monde, je suis allé voir jouer les Allemands. Non sans un petit pincement au cœur, car j’aurais préféré me trouver en bord de pelouse.

Enfin, et surtout, mon rôle de coach est d’aider cette équipe à engranger un certain rendement. Personne ne peut dire que mes joueurs n’ont pas de talent, mais pour obtenir des résultats, il faut plus que ça. Nous avons besoin d’une équipe soudée, qui fasse preuve d’intelligence, et qui soit capable de jouer le résultat, sans oublier la manière. Car en football, je ne crois pas aux miracles. Si on y parvient, si le public voit ça, l’osmose gagnera le stade.

 

Quel bilan tirez-vous de cette première année à la tête des diables ?

Je suis content du travail effectué. En un an, nous avons gagné 30 places au ranking FIFA. Cela prouve que sur le court terme, nous avons déjà énormément progressé. Certains demandent plus, et veulent des résultats immédiats. Je préfère progresser match par match, et laisser grandir cette équipe. Exiger trop et trop vite créé une pression néfaste.

Je suis également ravi que nous ayons ramené le public au stade. J’ai remarqué un changement de mentalité dans les gradins, et ce dès le premier match face à la Bulgarie. Lors des dernières rencontres, le stade était rempli. Je constate que le public est uni, et je ne souhaite pas que la situation politique actuelle vienne s’en mêler !

Je trouve aussi que la mentalité affichée par l’équipe est exemplaire. Après le nul en Azerbaidjan, ils étaient décidés à faire un bon résultat face aux USA, même si le match était sans enjeu. Ils ne voulaient surtout pas perdre ! En raisonnant de la sorte, ils prouvent qu’ils apprennent.

Antonin, pour Belgian-team

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