La Coupe du Monde au Brésil dans les yeux de Rodrigo Beenkens
Ce début d’été aura été rythmé par la voix de Rodrigo Beenkens, qui commente les rencontres de Coupe du Monde depuis le pays de Pelé. Entre Allemagne – France et Brésil – Colombie, nous avons téléphoné à ce sympathique journaliste de la RTBF, afin de connaître sa vision sur ce tournoi vécu de l’intérieur.
Pour ceux qui l’ignorent, Rodrigo a un grand avantage : il parle parfaitement le portugais, ce qui lui permet de discuter avec les locaux. Pour l’anecdote, ceux-ci le prennent souvent pour un Portugais !
Salut Rodrigo, et merci pour ta disponibilité ! Pour commencer, Peux-tu nous expliquer comment se passe ta coupe du Monde là-bas au Brésil ?
« Mes journées sont chargées ! Mais elles se résument aisément : un jour je voyage, le lendemain je commente une rencontre, le jour suivant je reprends la route, etc. Les jours de match, j’arrive au stade trois heures avant le coup d’envoi, pour prendre la température mais surtout pour effectuer tous les tests techniques. Les autres jours, je passe le principal de mon temps dans les aéroports et les taxis. Ce pays est un véritable continent, et les déplacements y sont très longs ! Je les effectue généralement seul, et ne retrouve les équipes de la RTBF que pour les matchs. »
Que penses-tu de l’organisation sur place?
« D’ordinaire, je ne suis pas un fanatique de la FIFA ; en cause leurs décisions, leur façon de travailler, et aussi ce petit côté manipulatoire qui leur est propre. Mais il faut leur reconnaître que les rencontres sont très bien organisées. C’est d’autant plus fabuleux qu’un tel tournoi demande un travail colossal. »
Comment vis-tu les matchs ?
« Ce qui se passe dans les stades est merveilleux ! Les rencontres sont de qualité, remarquablement filmées, et sur place, l’ambiance et l’émotion sont réellement présentes. On sent que les gens vibrent pour le foot, pas seulement au Brésil mais dans toute l’Amérique latine. Toute cette passion donne vie aux stades durant les matchs. »
Ce n’est pas la première Coupe du Monde que tu couvres, es-tu d’accord pour dire que celle-ci est la plus belle?
« Oui, sans aucun doute ! »
Raconte-nous tes meilleurs moments depuis que tu es au Brésil !
« J’espère que le meilleur est encore à venir ! (NDLR : au moment de l’interview, les Diables sont toujours dans la course).
Jusqu’ici, j’ai ressenti quelque chose de très fort en commentant la séance de tirs au but entre le Brésil et le Chili en 8e de finale. Ces situations et leur dénouement demeurent des moments très intenses pour tous les commentateurs. J’avais déjà connu cela lors de Portugal – Pays-Bas lors du Mondial allemand de 2006. Mais ici, c’est encore un autre niveau ! Le contraste entre les Brésiliens en larmes et les Chiliens criant à l’injustice, c’était vraiment quelque chose de très fort.
Ensuite, il y a eu cette prolongation des Diables Rouges face aux Etats-Unis, difficile de faire plus intense en terme de stress, car plus ils manquaient d’occasion, plus on se disait que ça allait tomber de l’autre côté. »
Ton métier te fait vivre des instants inoubliables, cela pourrait-il être encore mieux ?
« Je ressens principalement une seule grande frustration : je n’ai plus vu les Diables Rouges depuis la période de préparation. A peine le match terminé, je dois filer à l’aéroport pour préparer le suivant. Comme avant le tournoi, je souhaiterais passer du temps auprès des joueurs et de Marc Wilmots. Mais c’est interdit : la FIFA ne l’autorise pas … »
Comment trouves-tu les Brésiliens?
« Les gens sont réellement charmants. Il y a 4 ans, j’ai passé 3 semaines à Johannesburg durant la Coupe du Monde sud-africaine, et sincèrement, le sentiment d’insécurité y est nettement plus élevé. Ici, le principal problème est linguistique. Peu de Brésiliens connaissent une autre langue que le Portugais, et sont frustrés, voire malheureux, de ne pouvoir dialoguer avec les supporters de tous les autres pays. Lorsque je démarre une conversation avec un sourire et un premier mot en Portugais, ils sont soulagés. Ils me demandent : « Dites-leur que nous sommes joyeux et accueillants, on a juste l’air malheureux parce qu’on ne peut pas parler avec vous ! » »
Depuis le début de la compétition, la majorité des spectateurs sont des locaux. Est-ce que tous les Brésiliens vont au stade ?
« Les Brésiliens qui vont au stade n’ont rien du Brésilien moyen, ou de celui qui supporte son équipe en championnat. Ils font partie d’une élite, parce que le prix des places est beaucoup trop élevé pour les autres. »
Exceptionnellement, tu ne couvres pas le Tour de France cette année. Alors, un petit pincement au cœur ?
« Le plus difficile dans la vie, ce n’est pas de faire des choix, mais bien de les assumer. J’ai connu le plaisir de couvrir de nombreux Tours de France, et ici, j’ai l’occasion de vivre une Coupe du Monde hors norme. Ce pays, je savais que j’allais l’aimer, mais pas à ce point, je me sens comme un poisson dans l’eau ! C’était une occasion unique, car la prochaine fois qu’un pays d’Amérique latine organisera une Coupe du Monde, je serai probablement à la retraite. Donc non, je n’ai aucun regret ! »
Si tu devais choisir entre les Diables en finale de la Coupe du Monde ou Jurgen Van Den Brouck sur le podium du Tour de France?
(sourire) « Je crois que là, maintenant, la probabilité de voir les Belges atteindre la finale est plus grande. Si jamais Jurgen monte sur le podium du Tour, je lui souhaite d’être troisième. Car finir deuxième du Tour, c’est vraiment pourri. »
Pour terminer, quelle est ton opinion par rapport à toute cette ferveur qui anime le Royaume alors que les Diables avancent dans le tournoi ?
« On compare souvent le présent à ce qui s’est passé en 1986. A cette époque, je n’étais encore qu’étudiant, mais je me disais que je ne vivrais plus jamais un tel bonheur. Aujourd’hui, j’ai un gamin qui a 20 ans, et je m’étais toujours dit qu’il ne vivrait jamais rien de pareil de toute sa vie. Mon bonheur, c’est celui de sa génération, que la mienne revit : je retrouve ces sensations que j’avais oubliées pendant toutes ces années. C’est le foot qu’on aime, celui qui rassemble et qui fédère. Ce sport permet de rendre les gens heureux, c’est aussi simple que ça. On entend encore parfois les formules toutes faites de certains érudits, « tout ça pour courir derrière un ballon », etc. C’est tout à fait leur droit de penser cela, mais ils ne peuvent pas empêcher les gens d’être heureux. »
Merci à Rodrigo Beenkens pour cette interview
Antonin, pour Belgian-team
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