France – Belgique, la bonne histoire belge
Ils sont rares les matchs amicaux si riches en intensité et enseignements. De fait, ce France – Belgique du 7 juin 2015 aura sa place dans les livres d’histoire de l’Union Belge.
Des supporters des Diables Rouges nombreux dans la capitale française
La partie commence bien avant le coup d’envoi. Il est environ midi lorsque les premiers cars belges se rangent en file dans l’avenue François Mitterrand, à quelques pas du Stade de France. Et dans les rues, les supporters noirs-jaunes-rouges se font déjà remarquer, à l’heure où les Français terminent seulement de regarder « Téléfoot ». Aux douze coups de midi se font entendent les premiers chants à la gloire des Diables, suivis des premiers gentils colibets à l’égard de nos éternels rivaux français. Les rencontres entre nos deux pays ne sont jamais vraiment sans enjeu.
De l’allée des bus au Stade de France, chaque carrefour compte déjà sa poignée de stewards dont le rôle est de nous indiquer le chemin à suivre, fermement si besoin. Il n’est pas question de s’aventurer seul dans ces rues de banlieue parisienne, pourtant moins inhospitalières que ce qu’on en dit. Alors que de nombreux fans belges partent visiter la ville lumière, d’autres font déjà le siège à Saint-Denis. Tout ce petit monde se rejoint au Stade aux alentours de dix-huit heures, partageant liesse et chants autour d’une bonne Heineken à neuf euro vidange comprise – car oui, la bataille de la bière, nous l’avons gagnée depuis bien longtemps.
Un grand spectacle au stade de France
Nous décidons de gagner nos sièges à quelques minutes du coup d’envoi. Et là, on se rend compte à quel point la FFF a le sens du spectacle. Le match est présenté par un ancien animateur radio reconverti en speaker officiel (elle est loin l’époque du Star System), mais la clameur ambiante dans la tribune visiteurs nous empêche de distinguer la moindre de ses paroles. Après le passage sur la pelouse d’une fanfare très propre sur elle mais tout aussi inaudible, le compte à rebours est lancé sur l’écran géant du stade. Les joueurs français s’y succèdent au sein d’une cinématique hollywoodienne, où chacun d’entre eux forme un chiffre avec ses doigts, de dix à zéro. On sent que le metteur en scène leur a demandé d’accentuer leur regard guerrier, et de fait, c’est peut-être la seule fois de la soirée où ils sembleront réellement menaçants. L’entrée des équipes est spectaculaire, sous la cadence de milliers de drapeaux aux couleurs de la république. Ne restent plus que les hymnes nationaux, une brabançonne discrète et une marseillaise applaudie par la tribune belge – Marc Wilmots appréciera.
Une première mi-temps à l’avantage des belges
Enfin, la rencontre peut commencer. Dans les dix premières minutes, la Belgique recule à bon escient, semblant jauger son adversaire, comme Rocky Balboa qui encaisse volontairement les coups pour mesurer la résistance qu’il sera nécessaire de déployer. Et puis, elle passe à l’offensive, et de quelle manière. A notre retour, on nous dira que la question du hors-jeu a fait grand débat sur TF1. D’où nous sommes placés, c’est-à-dire à l’autre bout du terrain, nous ne voyons que deux choses : une défense française qui lève le bras et arrête de jouer, et un grand chevelu qui envoie la balle dans les filets. C’est 0-1, et nous sommes plus de 5000 à sauter de joie. Sur le terrain comme en tribune, les Belges mettent à mal des Français peu inspirés. Et lorsque Fellaini réitère pour le 0-2, on n’entend plus chanter les bleus et blancs. C’est sur ce score que survient la mi-temps, pause-pipi et arrêt au bar où, déjà frustrés, nos voisins ont remplacé la bière par de la « NA » tout aussi infecte et coûteuse.
Les Diables ont marqué 4 buts aux bleus…
Dès la reprise, nous reprenons en coeur un hymne qui nous a tant bassiné les oreilles de 1998 à 2002 : « et un, et deux, et trois – zéro ». Et il suffisait de demander. D’une splendide frappe croisée, Nainggolan peaufine la domination belge. On n’ose trop croire à ce scénario idéal, dont la saveur est déjà comparable à celle d’une victoire à l’euro. C’est en se pinçant, et en observant les moues déconfites dans la tribune d’à côté, qu’on s’aperçoit que tout cela est bien réel : les Diables dominent le champion du monde 1998, et tiennent enfin un match référence contre une grande nation de football. Comment ce moment précis pourrait-il être plus délectable ? Tout simplement, en devenant la première équipe à venir inscrire 4 buts au Stade de France. Tuant ainsi dans l’oeuf l’espoir adverse, en creusant à nouveau l’écart juste après avoir esquissé un semblant de faiblesse, lors d’un penalty imaginaire accordé aux bleus. Et nos voisins de se rasseoir, alors qu’ils s’étaient à peine levés. La suite du match se vit en tribune, avec un kop belge qui concocte des chants avec beaucoup de catharsis et une pincée de sarcasme. Les supporters français se divisent, entre les bons joueurs qui nous félicitent, et les autres qui n’ont que leur étoile à placer dans la balance, comme si l’histoire du football s’était arrêtée le 12 juillet 1998.
Allez, on l’avoue. Durant les arrêts de jeu, on a eu peur que la magie ne s’arrête. Les buts de Fekir et Payet ne sont pas immérités, car parmi les nôtres, certains ont déjà l’esprit sous la douche. Avec le recul, c’était peut-être le prix à payer pour que perdurent les bonnes relations entre nos deux pays. Dans son interview d’après match, Willy avouera ne pas avoir souhaité que cela tourne en correction ; Leander Dendoncker n’en appréciera que davantage sa montée au jeu.
A retenir:
Surclasser l’hôte et l’un des favoris du prochain euro, sans son capitaine habituel, ni le meilleur joueur de Bundesliga. On viendra encore dire que le classement FIFA est juste là pour faire joli.
Pour sa première rencontre en tant que titulaire, Jason Denayer s’est imposé en patron. Et il n’a que 19 ans. La succession de Vincent Kompany ne devrait pas poser de problème.
Le 27 juin dernier, Radja Nainggolan était déjà en vacances lorsque Steven Defour prenait un rouge contre la Corée du Sud en coupe du monde. A ce sujet, le coach se défend, en disant avoir emmené en priorité ceux qui avaient participé à la campagne qualificative. Dont Adnan Januzaj, donc… Bref, cela fait quatre ans qu’on répète que le ninja a sa place dans l’équipe. Et ça fait du bien d’avoir raison.
Damien, pour Belgian-team
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